Chroniques obscures

     Prark planta son tranchoir dans la terre meuble, se baissa pour ramasser la tête de l'idiot qui avait osé se mesurer à lui et éclata d'un rire rauque, frôlant la démence.

     Jetant négligement la tête par dessus son épaule, il s'agenouilla devant le cadavre de Halin et saisissant le pourpoing de l'homme de ses mains puissantes, il déchira le vêtement et dénuda son torse. Attrapant une courte dague qui pendait à sa ceinture, il entreprit alors, le visage impassible, d'ouvrir la poitrine du mort. Plongeant sa main gauche sous les côtes, il chercha le coeur de sa victime, l'empoignat et l'arracha d'un coup sec, tranchant les artères qui résistaient de sa dague maintenant ensanglantée. Levant l'organe sanguinolant au dessus de sa tête, il ferma les yeux et commença à psalmodier des prières destinées à d'obscures divinités, ne prétant aucune attention au sang qui coulait le long de son bras.

     Ouvrant subitement ses yeux sombres injectés de sang, il enfonça profondément ses dents dans le coeur encore chaud.

     -Tu es vraiment une bête, Prark !

     La voix venait d'un recoin sombre de la grotte, Et Prark se retourna vivement, crachant le morceau de coeur qu'il avait dans la bouche et laissant tomber au sol ce qui en restait dans sa main. Il connaissait cette voix, et c'était l'une des dernières qu'il aurait voulu entendre.

     -Gwiran... Je ne pensais pas te revoir un jour, dit Prark, en essayant de savoir si le nouveau venu était seul ou non.

     -Tu t'imaginais que nous t'oublierions après que tu nous ai trahi ? demanda Gwiran. Non, tu savais très bien que nous te chercherions, tu espérais seulement que nous ne te trouverions pas.

     -Ecoute, Gwiran... commença Prark.

     -Tais-toi ! Tu savais très bien ce qui allait se passer quand tu es parti, tu savais très bien que personne jusqu'à présent n'avait pu nous échapper ! Tu n'aurais pas dû tuer Garon, si tu t'étais simplement enfui, nous ne t'aurions peut-être pas cherché, mais...

     -Et pourquoi est-ce que je me serais enfui si je n'avais pas tué Garon, coupa Prark. Ce type était une enflure, il nous aurait tous tué s'il avait pu le faire, je vous ai peut-être tous sauvé !

     -Ce n'est pas à toi de décider de ce qui est bien ou non, Prark ! Tu es un larbin, rien de plus qu'un gros tas de muscles sans cervelle, qu'est-ce qui a bien pu te faire croire que tu pouvais prendre ce genre de décisions ? Tu n'étais rien, Prark, et maintenant tu es ma cible !

     -Attends, Gwiran... commença Prark, mais l'homme avait déjà dégainé sa fine lame qui jetait de froids reflets sur les murs de pierre...